13 novembre 2011

Détruire ce qui est terne

Après ce jour-là...J'ai commencé à réaliser plus de choses, plus de toiles, j'usais plus de feuilles, plus de gommes, plus de mines, plus de peintures. J'ai commencé à me dire que c'était ça mon truc, le truc que je kiffais. Dessiner, peindre, déformer les lettres du quotidien, utiliser des couleurs que personne n'ose assembler. Et il n'y avait aucun passe-temps plus important que ça. 

On était encore en vacances d'été. J'avais appelé mon cousin graffeur histoire de se revoir et d'aller taper un parking lugubre. J'avais de la chance, cette fois-là j'avais fait des courses. Il vient, avec un te-po à lui, on achète des boissons et on va au parking discretos. Étage -3, il y avait des skateurs qui trainaient là, je les connaissais donc ils ont rien dit. Le couz' scrute l'endroit, repère les sorties, cherche le gardien. Je trouve ça complètement parano mais je le laisse faire, il connait plus que moi, il a 8 ans de pratique. J'en prends de la graine. Et au bout de dix minutes moi et mon impatience extraordinaire lui crions dessus "On va pas dormir ici, mec !". Il me regarde, fâché, il pointe du doigt un mur à l'ombre des regards et tous les trois on y va. Chacun fait son truc, l'air se trouble à cause de la peinture. Mon nez pique et mes yeux deviennent rouges. Mes lettres sont tremblantes, mes mains hésitent, mon index dose mal la puissance qu'il faut mettre sur la capsule. Ma peinture coule sur le mur beige. J'ai utilisé le vert et le bleu. 

J'ai voulu finir par un petit smiley mignon mais tout d'un coup le silence du parking est chassé. Une bagarre éclate à quelques mètres de nous. Ils prennent peur, ils me chuchotent en panique "RANGE ! ON RANGE !". Je ne comprends pas, je range mes bombes en prenant bien soin de mettre le bouchon sur les capsules tout doucement. On me crie "TU FAIS QUOI ! ON A PAS LE TEMPS LA !", je prends peur aussi, je balance tout dans le sac, même une bouteille de bière ouverte. On court dehors, le sac fuit mais on s'en fout, on a de l'adrénaline de ouf et c'est l'kiff ! Pendant la course je m'en veux de ne pas avoir pris de photos mais c'est trop tard, on remonte l'escalator, le coeur à 1000, les mains collantes, le nez qui coule.


Il fait super beau dehors, le soleil a trouvé le temps de dégager les nuages pendant qu'on était habillé de nos costumes de rats. "On aurait pu finir j'suis sûre !" je dis, "Non Linh, tu vois pas toi, le danger, de se faire péter pour un parking c'est trop la merde. Les mecs ils se battaient, ça allait amener le gardien et même si on se cache il y a l'odeur qui était flagrante. Désolé je sais que t'as pas fini mais tu repasseras une autre fois et tu finaliseras." non, il avait raison le cousin. On règle les histoires de la flotte dans le sac, l'appareil photo qui est tombé pendant l'escapade et tout cette merde provoquée par mon insouciance. On se détend, on se pose sur mon banc, ouais, j'ai un banc ! J'ai graffé mon blaz dessus. C'est le banc avec la meilleure vue sur le lac. Le couz' et son pote me racontent des tas de choses, leurs anecdotes, leurs serrages, la vie, les malheurs, me montrent leurs exploits, leurs bons plans, leurs astuces. Je me prends une vraie leçon, j'écoute tout, je retiens tout, sans exceptions.
Le couz' dit "Je préfère être là tranquille que de me cacher en fugitif, pas toi ?" et je souris. Ouais, c'est vrai. Il y a la vraie vie et notre vie de superhéros malaimé, l'être humain modèle et le destructeur. A partir de ce jour là, mon passe-temps le plus important c'était de détruire ce qui est terne pour le rendre à mon goût. Car il n'y a aucun passe-temps plus important que d'essayer de tout améliorer.

1 commentaire:

Dominique Ernest a dit…

cool le blog...