Le niveau supérieur
Il y a une histoire que je dois te raconter...
Je pense que ça remonte à plusieurs mois maintenant que mon âme et mes pensées sont reliés à cet art sauvage. Je me souviens ça commençait par les petites lettres tracées au coin des cahiers. Je coloriais avec des crayons de couleurs ou des feutres de merde qu’on achète pour l’école. Et puis ça s’est amplifié, c’est devenu fou, j’étais là, je bouffais des films de graffs, des sites de graff, dans ma tête il n’y avait plus que ça. A force mes lettres s’affinaient, se caractérisaient. Certes, ça ne restaient que du vent par rapport aux grands adeptes du vandalisme mais pour ceux avec qui j’étais et qui ne connaissait pas ce monde c’était génial.
Au bout d’un moment, j’ai rencontré un gars, un graffeur. Mais lui il était au niveau supérieur, lui il faisait des murs, des terrains, des trains. C’était fascinant pour moi, habituée aux papiers dessins cartonnés et aux bombes de décoration pas adaptées. A l’époque c’était le seul graffeur que je connaissais, à part un autre gars dont je reparlerai un autre jour. Je passais toutes mes journées avec lui à parler de la même chose sans jamais se lasser. On parlait, on rigolait, on regardait des films, je l’aimais beaucoup.
On était en été, mi-juillet, je me souviens. Je suis rentrée chez moi vers minuit, minuit et demi. La veille on avait regardé un film de graff magnifique, ça créait des pulsions de ouf ces conneries. Je lui envois “J’ai trop envie de faire le mur..” par message. Il me répond “Tapes un truc !”. Fallait pas le prendre au premier degré, je réponds “Y’a un pont pas loin, j’ai que 4 couleurs, ça suffira !”. J’étais ouf dans ma tête à ce moment là, ça bouillonnait dans tous mes membres, j’arrache un bout de papier d’un cahier et je gribouille des lettres un peu moches mais correctes de mon blaz. Il est une heure quarante-cinq, j’ouvre la fenêtre, escalade la clôture de la baraque, il fait doux, un parfait soir d’été. Il n’y a pas un chat dans la rue, il n’y a que moi, la rate de la nuit. Je trace des lettres de merde sur le pont, je colorie comme un pied gauche, mes caps se bouchent une par une, SALOPERIES ! Je boucle tout en vingt minutes, je prends une photo et je me tire. Je fais quelques tours du quartier pour ne pas me faire repérer si je reviens direct à la maison. Je lui envois “J’ai fini, je te montre les photos demain !” . Je ré-escalade la clôture, j’atterris super mal sur la cheville. Et une fois dans mon lit, je me dis que ce graff était super moche. Mais je m’en fous, car je suis passée de l’autre côté. J’étais dans le niveau supérieur moi aussi !
Photo : Inès B.
Photo : Inès B.
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